Grands chelems, Masters 1000 : l'ATP au-delà de la douleur

19 Octobre 2013



La retraite anticipée de Marion Bartoli à l'âge de 28 ans, les 10 titres de Rafael Nadal cette saison malgré sa blessure au genou, la victoire d'Errani à Acapulco en mars dernier « dans la douleur »... Il semble que les meilleurs joueurs souffrent aujourd'hui d'une (trop) grande pression physique due au rythme très soutenu des tournois ATP. Cependant, les grands tennismen n'hésitent pas à se dépasser, à aller au-delà de leurs limites, et ce, souvent au détriment de leurs santés physiques...


Crédit Photo -- D.R.
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Éliminé en demi-finale du Master 1000 de Shanghai par l'Argentin Juan Martin Del Potro, Rafael Nadal est revenu sur sa désormais récurrente blessure au genou. « Même si je ressens une douleur pendant plusieurs jours, la douleur ne limite pas mes mouvements. C'est la chose la plus importante. Je joue sans limite. Je suis libre quand je joue », a-t-il déclaré. Pour le joueur, sa force réside désormais dans sa capacité à surmonter les douleurs dues à ses blessures. « Même si je ressens une douleur, je suis capable de contrôler cette douleur, a ajouté le n°1 mondial. Dans le passé, je n'étais pas capable de contrôler la douleur et donc je ne pouvais pas jouer. Mais le sentiment est que j'aimerais améliorer cela encore un peu plus. »

Si Rafael Nadal reste, sans aucun conteste, l'un des meilleurs tennismen de sa génération, son physique lui a souvent fait défaut. Dès 2005, André Agassi avait prédit : « Nadal signe des chèques que son corps ne pourra pas payer ». La prophétie n'a pas tardé à se réaliser, dès la fin de l'année 2005, avec une blessure au pied gauche qui le force à 3 mois et demi d'arrêt. Puis en 2009 avec des genoux en mauvais état qui le confronte à sa seule défaite à Roland-Garros. Enfin, en juin 2012, à Wimbledon, le double tenant en titre du tournoi est éliminé au second tour par un inconnu classé 100e mondial. Le bilan est lourd : syndrome de Hoffa et tendinite du genou gauche. Mais pourquoi a-t-il fallu attendre un constat aussi dramatique pour que « Rafa » accepte finalement de prendre un « break » ?

Citius, Altius, Fortius... Salus ?

La carrière d'un tennisman à très haut niveau dure, en moyenne 16 ans. Les enjeux sportifs et économiques restent colossaux durant cette période et la pression ressentie n'en est pas moindre. Les tournois les plus prisés par les meilleurs s'élèvent au nombre de 15, Grand Chelem, Master 1000, ATP 500 Series... « Avant qu’elle arrête brutalement, Marion Bartoli était une de celles qui disputaient le plus de tournois dans l’année, pas loin de 30. Son programme était peut-être trop chargé… », déclare Patrice Hagelauer, directeur technique national. Le quotidien de ceux-ci est rythmé par les préparations physiques, les entraînements, les matchs, les promotions publicitaires... Dans ce sport individuel, les joueurs font généralement preuve d'une ténacité et d'une motivation sans pareille. En mars dernier par exemple, Sara Errani, blessée s'est imposée face à Carla Suarez-Navarro au tournoi d'Acapulco. Elle a cependant confié être aller au bout de ce tournoi dans la douleur : « J'ai souffert. J'ai subi beaucoup de traitements pour pouvoir jouer. J'ai supporté la douleur, mais la souffrance en valait la peine ».

Cette douleur, cette souffrance, tous les joueurs y passent à un moment ou à un autre de leurs carrières. Le rythme effréné qu'impose la constante recherche du Top 10 ATP, finit par user les tennismen. À la fin du dernier US Open, à 33 ans, Xavier Malisse a déclaré : « Cela commence à être dur pour moi. J'ai mal partout quand je joue, au pouce, à l'orteil. J'ai tout donné, mais je ne peux pas faire ça toute l'année. Je suis encore prêt à me lever le matin pour aller faire de la condition physique, mais après une heure, je suis au bout ». Écouter sa condition physique n'est pas toujours facile à ce niveau et c'est cette ignorance forcée qui amène la plupart des joueurs à arrêter leurs carrières. Justine Henin en a d'ailleurs fait les frais. À l'âge de 28 ans, alors qu'elle occupe la première place du classement féminin mondial, son physique finit par la lâcher. « Aujourd'hui, les examens sont clairs et les médecins formes, mon coude est trop abîmé et trop fragilisé pour que je puisse continuer à exercer ma passion et mon métier à un haut niveau », a-t-elle déclaré dans une lettre publiée par plusieurs médias belges.

Blessures et nouveau départ

Crédit Photo -- D.R.
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« De nombreux joueurs jouent mieux après une blessure et une longue indisponibilité : regardez le retour de Nadal cette année, il n'a jamais semblé aussi fort, aussi motivé », souligne Patrice Hagelauer. Un « break » s'avère-t-il bénéfique, voir nécessaire à haut niveau ? Pour le tennisman Julien Varlet : « Comme dans n'importe quel métier, le tennisman a besoin de faire des pauses. Sinon, la routine s'installe, et avec elle, la lassitude. C'est là que l'entraînement quotidien et les déplacements partout dans le monde peuvent être considérés comme une souffrance ». Des temps d'arrêt se doivent donc d'être respectés afin de tirer au mieux parti d'une courte carrière. Une carrière qui semble néanmoins de moins en moins éphémère comment en témoigne les retours de Serena Williams, Roger Federer ou Tommy Haas, ces trentenaires qui rivalisent aujourd’hui avec les meilleurs de leurs cadets.

Serena Williams est à son meilleur niveau à 32 ans, Roger Federer peut aussi y prétendre au même âge, et Tommy Haas a retrouvé toute sa puissance à 35 ans. Se dessine alors un paradoxe certain entre la condition physique et les performances des joueurs. Comment expliquer cela ? « J’aurais tendance à penser que les entraînements sont au contraire moins durs qu’avant, en tout cas plus intelligents, car mieux ciblés », constate Patrice Hagelauer. « L’époque où on soulevait des tonnes de fonte est révolue ». Les différents circuits comptent désormais un staff composé de préparateurs physiques, nutritionnistes et autres au côté du joueur. Les chances de se blesser sont donc désormais moindres, même si elles restent encore et toujours présentes.

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Maëva Touri
Etudiante à Sciences Po Bordeaux actuellement expatriée à Madrid. Je suis une passionnée de sports... En savoir plus sur cet auteur